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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
Image 1: l’oubli de l’expérience enfantine
L’enfance-manque
La première catégorie de représentations est unie autour d’un noyau péjoratif présentant
l’enfance humaine de façon caricaturale, dans le cadre de la domination de l’enfant par
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l’adulte et de ce que Philippe Ariès a pu appeler (partiellement à tort ) «l’oubli de
l’enfance», oubli qu’il juge culminant lors de l’époque médiévale en Occident: «il n’y avait
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pas de place pour l’enfance dans ce monde» . De façon permanente en tout cas, on relève
de multiples occurrences d’une dépréciation de l’enfance dans la pensée des adultes,
toutes époques confondues.
L’enfant est tout d’abord assimilé à un petit animal spontanément malfaisant dont il faut
se défier et qui se définit surtout par ce qui lui manque pour être adulte: «l’enfance est la
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vie d’une bête» , disait ainsi Bossuet. Le christianisme a, en effet, utilisé tout d’abord une
conception de l’enfant comme un être bestial et peccamineux, qu’il fallait baptiser au plus
tôt afin de s’assurer qu’il n’était pas une créature diabolique, mi-homme mi-bête satanique.
Régulièrement le corps et l’esprit enfantins sont donc comparés des oiseaux sans cervelle,
des singes sans élégance, des porcelets sans humanité, etc.
220 Pour une discussion sur la thèse de l’oubli de l’enfance, voir Dupeyron, J.,F., Nos idées sur
l’enfance, Paris: L’Harmattan, 2010, pp. 25-34.
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Ariès, P., L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris: Seuil, 1984, p. 53.
222 Bossuet, J.,B., «Méditations sur la brièveté de la vie et le néant de l’homme», dans: Œuvres
complètes, tome XII, Paris: Librairie de Louis Vivès Éditeur, 1862, p. 704.
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