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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
Image 3: un corps mou prisonnier de son éducation modélisante
En complément de ce double filtre voyant le corps enfantin sous des traits animaux et selon
une mollesse native, un troisième préjugé insiste sur l’absence de vertus et de sens moral
des enfants, autrement dit sur les vices propres à l’enfance: «à cet âge innocent où l’on
voudrait que toute âme ne soit que transparence, tendresse et pureté, je ne revois en moi
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qu’ombre, laideur, sournoiserie» .
Image 4: le corps enfantin possédé par un être vicieux
La littérature (et aujourd’hui la filmographie) regorgent d’images d’enfants foncièrement
vicieux, comme s’ils étaient possédés par une créature maléfique. Ces images
dépréciatives, sous une forme légèrement policée, se retrouvent chez Freud dans sa
description de ce «pervers polymorphe» que serait l’enfant: un être doué d’une sexualité
précoce et polyvalente, d’appétits égoïstes et d’instincts primitifs meurtriers ou
cannibales. C’est implicitement ou explicitement ainsi que certains enseignants se
représentent leurs élèves: des «sauvageons», une «horde», un «troupeau», etc. Cette
représentation, cela va sans dire, fonctionne largement comme une prophétie auto-
225 Gide, A., Si le grain ne meurt, Paris: Gallimard, 1972, p. 10.
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