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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846




















                             Image 12: Gargantua, enfant paillard (illustration de Gustave Doré en 1868)


                   L’enfance-objet

                   Une troisième famille de représentations s’arrime à une conception de l’enfant et de son

                   corps  comme  des  objets  évolutifs,  simples  étapes  dans  un  mouvement  plus  vaste  de
                   développement vers l’état d’adulte. «L’étude de l’enfant, c’est essentiellement celle des
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                   phases qui vont faire de lui un adulte» , indique ainsi Henri Wallon. Une nouvelle «science
                   de l’enfance» dont l’expansion a moins de deux cents ans, objective donc le corps enfantin,

                   qui est rapporté à des cursus rationnels, à une normalité et à une saisie techno-scientifique.

                   Avant  cette  science de  l’enfance  à  plusieurs  dimensions  (la psychologie de  l’enfant,  la
                   pédiatrie, etc.), une approche pré-scientifique mais tout aussi objectivante avait imaginé

                   que l’essence de l’enfant était déterminée par les caractéristiques de sa naissance: ce sont
                   les mythes de la nessence (naissance + essence), racontant par exemple que la nature du

                   corps de l’enfant est liée au fait d’être né «coiffé» (c’est-à-dire la tête encore en partie
                   couverte  de  membranes  amniotiques),  d’être  né  sous  une  bonne  ou  mauvaise  étoile,

                   d’avoir été accueilli par telle ou telle «fée», ou d’être né les pieds devant. Sur ce dernier
                   point, Sur ce thème, Pline nous indique les conséquences de la perception par la Rome

                   antique de la présentation par les pieds; un enfant ainsi accouché était dit agrippa (aeger
                   partus signifie né péniblement) et est considéré comme porteur possible de défectuosités.

                   Pline parle ainsi de Néron:


                          «il  n’est  pas  naturel  qu’un  enfant  vienne  au  jour  les  pieds  les  premiers.  [...]
                          Agrippine, mère de Néron, que nous avons vu empereur et qui fut pendant tout son

                          règne l’ennemi du genre humain, a écrit que ce prince naquit aussi les pieds les


                   239  Wallon, Η., L’évolution psychologique de l’enfant, I, 2, Paris: Armand Colin, 2012.



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