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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
behaviorisme très étroit, les enfants devaient être nourris selon un horaire rigide, à la
minute près, avec des rations alimentaires fixes, sans s’inquiéter de savoir s’ils étaient ou
non satisfaits. On recommandait aux mères de ne pas «gâter» leurs enfants, de ne pas les
caresser. Le United States Children’s Bureau avait fait sienne cette attitude et il
recommandait jusqu’en 1938 dans son opuscule Infant Care «l’entraînement par la
régularité dans l’alimentation, le sommeil et l’élimination».
Image 15: un corps formaté?
Pourtant, soigner une personne, c’est tout autre chose que soigner, modifier, traiter,
manipuler un objet. La peau de l’enfant, c’est déjà son Soi, avant même de parler de son
psychisme. Pour le corps enfantin (et pas seulement pour celui-ci) le besoin d’être tenu
dans ses bras et caressé fait partie du besoin d’être stimulé. L’enfant est donc initialement
sujet par sa peau, par cette surface qui n’est pas que matière objectivante, mais organe de
communication intersubjective. C’est dans cette optique que l’enfant que décrit Didier
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Anzieu est le «Moi-peau», qui réclame pour ses soins éducatifs et nourriciers autre chose
que de la matière nutritive: de l’amour, de la tendresse, des caresses, des sourires, des
mots, de l’humanité.
Les tendances les plus récentes des approches comportementalistes laissent
malheureusement craindre que le recours à la biochimie, voire à la génétique, domine les
traitements éducatifs réservés aux enfants. Déjà, le corps plein de vie des enfants est
facilement suspecté d’asocialité, d’instabilité et d’hyperactivité dès lors que son
expérience du monde dérange les attentes des adultes. La médicalisation de l’éducation et
des «troubles du développement» a encore de beaux jours devant elle, comme le montre
243 Anzieu, D., Le Moi-peau, Paris: Dunod, 1985.
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