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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
Biopolitique et théorie raciale
C’est la naissance de la biopolitique, thématisée par Michel Foucault, dans laquelle le
pouvoir politique déplace son exercice des territoires aux populations, entendues comme
l’objet même qui peut être contrôlé, régulé et planifié. La biopolitique institue donc un
biopouvoir qui est un faisceau de techniques nouvelles dans lesquelles sont imbriquées les
techniques de domination «qui permettent de déterminer la conduite des individus, de leur
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imposer certaines volontés et de les soumettre à certaines fins ou certains objectifs»
avec les «techniques de soi»,
«qui permettent aux individus d’effectuer, par eux-mêmes, un certain nombre
d’opérations sur leurs propres corps, sur leurs propres âmes, sur leurs propres
pensées, sur leurs propres conduites, et cela de manière à se transformer eux-
mêmes, se modifier eux-mêmes et atteindre un certain état de perfection, de
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bonheur, de pureté, de pouvoir surnaturel, etc.» .
Cette imbrication est un véritable couplage qui consiste à organiser les «techniques de soi»
qui, depuis l’Antiquité grecque et romaine étaient conçues comme des outils
d’affranchissement en vue de l’émancipation intellectuelle, en instruments orientés par les
«fins et objectifs» du biopouvoir. Foucault montre l’effet de ce couplage dans l’émergence
du libéralisme économique dans lequel au contrôle du pouvoir absolu de l’État se substitue
le contrôle par la vie économique et sociale des populations.
Mais cette orientation de la pensée de Foucault laisse en plan tout le travail souterrain
fondamental de la biopolitique qui consiste, selon Giorgio Agamben, dans «l’animalisation
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de l’homme effectuée par les techniques politiques les plus sophistiquées» . Ce sont en
effet ces technologies qui, en arrière-plan, vont permettre le développement et le
triomphe du capitalisme comme organisation de la vie des populations. Ces technologies
effacent l’espace public de la vie politique et y substituent le souci de la vie biologique dans
un pouvoir qui ne peut se construire que comme un pouvoir d’exception, qui à la fois
protège la vie biologique et décide qui doit vivre et comment. Toute la question, écrit
254 Ibid., p. 37.
255 Ibid., p. 38.
256 Agamben, G., Homo sacer, Le pouvoir souverain et la vie nue, trad. par Raiola, M., t. 1, Paris: Seuil,
1997, p. 11.
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