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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
Dès 1996, TC&AP suggère la création de murs vivants afin de rendre l’environnement plus
hospitalier. Oron Catts précise que
«l’émergence d’une nouvelle classe d’objets/étant devrait s’accroître de manière
visible en même temps que les capacités à manipuler la vie augmente. Comme ces
créations contiendront différents degrés de vie et de sensibilité, de nouvelles
relations se formeront avec notre environnement, et avec le concept de vie lui-
même. Des parties de notre propre corps peuvent être entretenues en dehors de
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nous comme des entités indépendantes et autonomes» .
SymbioticA permet d’ailleurs à Stelarc de se munir d’une troisième oreille en 2003. L’œuvre
s’intitule Extra Ear – ¼ Scale (Oreille supplémentaire – échelle ¼). Cette minuscule réplique
de l’oreille de Sterlac, partiellement vivante, est une structure de polymères semée de
chondrocytes humains c’est-à-dire de tissus cartilagineux. Cette pseudo-partie du corps de
Sterlac peut donc vivre et croître indépendamment de l’individu. Sterlac renonce
cependant à sa greffe. Polémique lors de sa création, l’oreille n’a été exposée que
lorsqu’elle fut re-cultivée à partir de cellules de souris.
Une des préoccupations majeure de Tissue Culture & Art Project concerne le respect de la
vie animale. Une «co-vivance harmonieuse» des espèces passerait par une prise de
conscience de l’homme des souffrances animales, notamment exprimées par Derrida dans
L’animal autobiographique: «Tout le monde sait quels terrifiants et insoutenables tableaux
une peinture réaliste pourrait faire de la violence industrielle, mécanique, chimique,
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hormonale, génétique, à laquelle l’homme soumet depuis deux siècles la vie animale» .
Les artistes biotechnologiciens-végétariens anticipent l’avenir, créant et non pas
seulement figurant, une nourriture animale sans victimes. En 2002-2003, leur utilisation de
l’ingénierie tissulaire concerne la production d’une viande de consommation pour laquelle
nous n’aurions pas besoin de tuer l’animal. Disembodied Cuisine voit le jour.
60 Catts, O., op.cit., p. 77.
61 Derrida, J., (Mallet, M.,-L., dir.) «L’Animal que donc je suis (à suivre)», dans: Derrida, J., L’animal
autobiographique, Paris: éditions Galilée, 1999, p. 277.
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