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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
Le jeu, le symbole, la cérémonie: les invariants anthropologiques de l’art contemporain
Bachelard en main, Bachelard en tête donc, pour célébrer les éléments et leur puissance
imaginaire et philosophique mêlée. Je dois bien l’avouer à présent: lisant et relisant
Bachelard, le Bachelard des éléments, tout en m’engageant aux côtés de Yves Henri dans
la création et la «performance» partagées, artistiquement et philosophiquement
partagées, je découvrais dans mon vieux Bachelard une étonnante modernité, par-delà ce
matérialisme onirique un peu daté. Par-delà? Non, plutôt «au revers», comme son autre
face à laquelle j’avais été jusque-là peu attentif. Au revers d’une esthétique des éléments
et de la sensorialité, comme son autre face nécessaire, je retrouvais ce qui me sert depuis
quelque temps de boussole dans mes cheminements au cœur de l’art contemporain, et
tout particulièrement dans ma rencontre avec l’œuvre de Yves Henri et de quelques autres
comme celle de Joël Desbouiges: ces trois invariants anthropologiques que Hans George
Gadamer plaçait aux fondations mêmes de l’art et de l’esthétique, cette trilogie du jeu, du
symbole et de la cérémonie.
La trilogie de Gadamer m’est aussi précieuse que la démarche qui l’y a conduit. Si vous
voulez tenter de combler le fossé qui trop souvent sépare l’homme et la femme
d’aujourd’hui de l’art d’aujourd’hui, expliquait-il, il faut en venir à ce qu’avec quoi renouent
plus que jamais les artistes d’aujourd’hui. Nul art plus que l’art contemporain, en dépit d’un
apparent paradoxe, n’aura été aussi près d’une commune humanité, de notre humanité en
partage: parce que les trois invariants anthropologiques au cœur de toute œuvre comme
au cœur de toute expérience esthétique sont au cœur de l’art contemporain.
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