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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
inscrites dans le concept» (D.&R.,45) de différence. Que chaque crise, chaque stéréotypie,
soit une expression de l’intensité de l’instant est ce que nous appelons l’instansité. Parler
de l’instansité de la différence permet de penser, dans le contexte de l’autisme, la modalité
du rapport au corps qui opère des sélections d’intensité. Les expériences du corps que sont
les crises et les répétitions, plutôt que figures du négatif, seraient alors de l’ordre du
devenir et de l’exploration du vrai, et en ce sens, elles constituent les conditions qui
permettent de penser la différence. Si ces expériences sont des expériences de l’intensité,
c’est au sens où elles ont quelque chose de l’éternel retour nietzschéen. En d’autres
termes, parce qu’elles conjurent les «formes moyennes» (D.&R.,77), les expériences du
corps dans l’autisme permettent de penser la différence en tant qu’elle opère «la vraie
sélection», «la forme supérieure» (D.&R.,77) de tout ce qui rend possible la subjectivation.
Ainsi, sélectionner dans l’instant des intensités, pour la personne avec autisme:
«c’est sa force, sa seule force, de ne rien comprendre, de ne pouvoir faire attention,
de ne pas comprendre ce qu’ils veulent, de ne pas savoir qu’ils sont là, de ne rien
sentir, ah mais attention, il sent, il souffre, le bruit le fait souffrir, et il sait que c’est
une voix, et il comprend, quelques expressions, quelques intonations, tout ça c’est
mauvais, mauvais, pas tellement, c’est eux qui le disent, ils n’en savent rien, ils le
disent parce qu’ils le souhaitent, peut-être qu’il ne sait rien, peut-être qu’il ne
souffre de rien, et cet œil, encore de la fantaisie» (D.&R.,122).
Conclusion
L’École devrait être le lieu où la différence se dit de l’égalité, et l’égalité, de la différence.
Penser la différence du point de vue de l’inclusion scolaire des autistes nécessite donc de
repousser les notions de négation et d’opposition. Associées à la différence, elles
constituent en effet une double imposture. D’une part, du point de vue des conséquences:
si la différence est opposition et négation, alors elle est aussi exclusion. Dans le contexte
de la scolarisation des enfants avec autisme, c’est quelque chose qui n’est pas tolérable.
D’autre part, si l’on tente de penser la différence à partir des différences, on peut admettre
que les répétitions et les crises constituent des différences individuantes. Mais c’est à la
condition de penser la différence en tant que saisie, dans l’instant, de l’intensité. Cette
instansité, si elle est bien de l’ordre du chaos, ne relève pas pour autant de la négation. Car
la répétition est l’espace où coexistent les intensités. Celles de l’être et du monde.
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