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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   sens. Les exigences et les besoins de l’enfant autiste sont pourtant les mêmes que ceux
                   des autres enfants. Cette évidence doit être rappelée, tant elle est oubliée, évincée... Mais

                   en vain, il attend que ses difficultés soient prises en compte, ses émotions, écoutées, son
                   besoin d’apprendre, contenté. Il existe pourtant de nombreux moyens d’aider les autistes

                   à conquérir leur autonomie. Aussi l’École a-t-elle besoin de former des accompagnants.
                   Mais  dans  ses  instituts  de  formation,  elle  ne  forme  encore  que  des  maîtres  capables

                   d’exercer auprès des seuls enfants neurotypiques. Pour les enfants autistes, commence
                   donc, dès les premiers âges, la marginalisation de leur existence. Car à force d’énumérer

                   des différences, celles-ci deviennent des motifs d’exclusion.


                   Exclure l’autre, c’est lui demander de franchir seul les distances de la discrimination. Or, à

                   l’École, les différences ne devraient-elles pas être les points de contact qui rendent possible
                   la ligne égalitaire sur laquelle l’inclusion peut être fondée? Depuis l’enfermement que la

                   société lui impose, la personne autiste peut dire, comme L’innommable de Beckett, «Je n’ai
                   jamais été ailleurs qu’ici, personne ne m’a jamais sorti d’ici» (I.,62). Mais qui entend sa voix?



                   Différence pure et répétition


                   La voix de l’enfant autiste est débordement et répétition. Son guttural annonçant puis

                   accompagnant la crise. L’enfant s’élance contre un mur. Lève un bras qu’il projette contre
                   ce mur qui lui fait face. Il sait concilier la vélocité des gestes et l’inertie des sons. L’autre

                   bras à son tour s’élance. Battre le mur en serrant les poings. Son bras droit soudain se tend
                   et se dérobe à la surface impassible. Battre le sommet de son crâne. C’est seulement la

                   direction du geste qui a changé. La crise est retournement des gestes et des postures.
                   L’enfant quitte le mur, le bras droit dressé au-dessus de sa tête. Quitter un plan pour un

                   autre plan. Haussement de l’épaule gauche. Il se jette contre l’adulte qui se trouve sur la

                   même ligne que lui. Ou plutôt, au-delà de lui. Car l’enfant en crise ne voit pas la possibilité
                   de l’interaction qui se trouve sur sa trajectoire. Sa répétition des mêmes cris et des mêmes
                   gestes aurait les accords d’une danse guerrière, si la voix et le corps n’étaient pas en deçà

                   de toute possibilité de contrôle de soi. Aussi, lorsque la crise survient, survient avec elle le

                   chaos  de  l’ici-maintenant.  Car  la  crise  est  débordement,  dans  l’instant,  devant  les
                   singularités et l’inintelligibilité du monde.


                   L’enfant autiste souffre de crises encore mal comprises par ceux qui en sont les témoins,

                   malgré les avancées immenses dans le domaine des neurosciences. Souvent, elles ont pour



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