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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846


















                                                     Photographie 69 b

                   Nous n’étions peut-être plus tout à fait les mêmes lorsque nous avons pu rencontrer les
                   lycéens  de  Platanos.  Nous  avions  déjà  appris  de  nos  interventions  et  de  nos

                   «performances» du collège et de l’école primaire, de la Bibliothèque de Leros. Et il n’y
                   aurait,  avec  les  lycéens  et  les  lycéennes,  que  cette  seule  et  décisive  rencontre.  Notre

                   schéma  était  le  même.  D’abord  un  diaporama  consacré  à  l’œuvre  de  Yves  Henri,
                   permettant d’amorcer un dialogue croisant les chemins de l’art et de la philosophie. Puis

                   l’expérience d’une plongée sensible et imaginaire dans le visuel d’une courte vidéo en noir
                   et blanc: celle d’un vaisseau de Yves Henri oscillant lentement sur un plan d’eau, d’un bord

                   à  l’autre  de  l’image;  l’enjeu  est  ici,  exprimé  dans  le  vocabulaire  de  Georges  Didi-
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                   Huberman , de passer «derrière l’image», de dépasser le lisible et le visible pour accéder
                   au visuel de l’expérience esthétique. Et puis quand est frayé la voie de cet accès-là, entrer
                   dans la «performance».


                   Et cette fois, l’ultime, la toute dernière de notre séjour, mais l’unique fois hélas avec les

                   lycéens et Elena leur professeur de français, nous savions qu’il fallait déblayer, ré-enraciner,

                   lâcher plus et mieux les amarres. Sur les ailes de la vaste et aérienne bâche plastique offerte
                   au groupe et à chacun pour qu’il s’en empare du bout des doigts comme de tout le corps,
                   inviter à se perdre un instant et renaître, tantôt pour une plongée, tantôt pour un envol,

                   tantôt dans la solitude, tantôt dans la conscience aiguisée de la présence de l’autre.


                   Nous devions d’abord essayer de décanter cette première couche imaginaire et réflexive,

                   là, toute proche, mais recouverte, enfouie. Sur le plan de la pensée, mais d’abord, sur le
                   plan artistique, plastique, pour en ouvrir sensiblement la voie: commencer déjà à aller vers

                   la forme. Et ensuite tenter de centrer sur l’idée d’errance: sur le plan conceptuel, sur le plan
                   littéraire,  mais  aussi  en  veillant  à  en  repasser  toujours  par  cette  expérience  première


                   295  Didi-Huberman, G., Devant l’image, Paris: Les Éditions de Minuit, 1990.



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