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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   lieux de mémoire, etc. Autant d’expressions qui portent la question de la mémoire du côté

                   du social.

                   L’idée même de «mémoire collective», philosophiquement, ne va pourtant pas de soi. Elle
                   est un phénomène psychique, spirituel: peut-on prétendre que les groupes, les sociétés,

                   auraient  un  «esprit»,  comme  les  individus  en  ont  un?  Peut-on  défendre  comme  Emile
                   Durkheim la notion d’une «conscience collective»? Non, cela ne va pas de soi…


                   Impossible  donc  d’avancer  sans  en  venir  à  la  notion  d’histoire.  En  commençant  par
                   distinguer,  avec  Maurice  Halbwachs,  différents  types  de  mémoire.  La  mémoire
                   autobiographique est proprement individuelle et se réfère à la mémoire que l'individu a

                   d'événements dont il a lui-même fait l'expérience. Elle s'oppose à la mémoire historique

                   qui renvoie à la mémoire d'événements que l'individu n'a pas vécus lui-même mais qui lui
                   sont transmis par le contexte social.




                                                   Mémoire et Histoire

                   Halbwachs proposait également de distinguer l'histoire de la mémoire collective. Selon lui,
                   l'histoire est «une mémoire morte», qui n'a plus d'impact direct sur l'identité du groupe
                   alors que la mémoire collective recouvre la mémoire qui influence l'identité actuelle du

                   groupe et constitue ainsi un enjeu identitaire pour celui-ci.


                   Je crois que cette distinction est très importante sur le plan philosophique et politique.

                   Aujourd’hui,  l’histoire  est  souvent  instrumentalisée  à  des  fins  politiques.  Cette
                   instrumentalisation consiste justement à confondre l’histoire avec une soi-disant mémoire

                   collective. Non l’histoire est une construction.

                   Un autre grand philosophe français a consacré un livre majeur à la question de l’histoire. Il
                                                                                   294
                   s’agit de Paul Ricœur et de son livre La Mémoire, l’Histoire, L’oubli . Cet ouvrage est
                   devenu un classique de la philosophie contemporaine. Pour ce philosophe, les liens établis

                   entre mémoire et histoire sont philosophiquement et politiquement problématiques, et
                   sources  de  nombreux  troubles  et  confusions.  Paul  Ricœur  écrit  que  son  livre  est  une

                   réponse  «aux  troubles  (suscités)  par  l’inquiétant  spectacle  que  donnent  le  trop  de


                   294  Ricœur, P., La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, Paris: Le Seuil, 2000.



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