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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   celles de l´artiste et des collaborateurs. Cette co-création a abouti notamment à des scènes

                   spécifiques et des textes dramaturgiques inspirés du questionnement philosophique des
                   enfants  pendant  les  séances  de  philosophie,  sur  la  construction  de  personnages  et
                   également sur la conception musicale. Depuis sa première représentation en Septembre

                   2015, le spectacle «Et si tout était jaune?» connaît un grand succès au Portugal et poursuit

                   sa tournée dans plusieurs théâtres du pays.

                   Outre la proposition de Silvia pour que je dynamise des séances de philosophie avec les
                   jeunes interprètes, ma collaboration a permis que je suive au cours de plusieurs mois le

                   processus  de  création  de  ce  spectacle,  afin  de  pouvoir  en  extraire  une  réflexion
                   philosophique, notamment sur les démarches artistiques menées auprès des enfants. La

                   première partie de ce texte concerne donc l´émergence et le déroulement des procédés
                   artistiques  en  jeu,  c´est-à-dire  les  expérimentations  qui  ont  abouti  aux  différentes

                   performances, les questionnements de l´artiste face à l´imprévisibilité des enfants alors
                   qu'elle leur proposait de faire des exercices programmés, et son émancipation progressive

                   vis-à-vis d´une conception traditionnelle de l´enfance. En second lieu, puisque j´ai animé des
                   ateliers de philosophie auprès des jeunes acteurs, ce texte se rapporte à ces expériences

                   de la pensée et à la façon surprenante dont elles ont inspiré l´artiste pour la co-création

                   d´une des scènes intitulée le canapé jaune. Cet article vise également à questionner une
                   certaine idée de l´«enfance», perçue comme phase du développement ou première étape
                   de la vie, afin de concevoir la singularité de l´enfant, c´est-à-dire le percevoir en dehors de

                   son rapport à l´adulte, pris comme modèle ou ultime étape à atteindre. En tant qu´adultes,

                   comment  pouvons-nous  accéder  à  l´expérience  de  l´enfance  si  nous  nous  basons
                   constamment sur notre propre perspective, nos catégories, nos conceptions?  Ne  s´agit-  il

                   pas  là  d´une  forme  autocentrée  qui  nous  barre  justement l´accès à la différence de
                   l´enfance, et nous restreint à des jugements basés sur l´établissement de comparaisons ou

                   d´analogies, par exemple, entre nos catégories et les leurs?

                   Cette problématique, liée au thème de l´enfance, développée par Gilles Deleuze à travers
                   le concept de devenir–enfant dans Mille Plateaux, José Gil, un philosophe contemporain

                   portugais, dans ses analyses sur la poésie de Fernando Pessoa, ou encore Walter Omar
                   Kohan,  professeur  à  L´Université  de  Rio  de  Janeiro,  est  devenue  centrale  dans  mes

                   recherches concernant la pratique de la philosophie avec les enfants. Pour ce travail en
                   particulier, il s´agit d´une question fondamentale qui m´a permis de mieux cerner les enjeux






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