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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
le groupe. Même si, pour des raisons extérieures au projet, certains de ces enfants n'ont
pas pu rester, leur participation a été essentielle.
Une enfance conçue différemment
Nous avons tous tendance à concevoir l'enfance comme la première phase de la vie sur
une ligne du temps chronologique et ainsi à percevoir l'enfant comme un être incomplet,
contrairement aux phases suivantes. En raison de cet état de fait, l'idée de l'enfance est
souvent associée à celle d'un manque. Le problème est que, en considérant l'enfant depuis
cette perspective, dans une relation à l'adulte conçu comme finalité ou modèle, on arrive
difficilement à l'appréhender selon sa propre singularité. Que serait alors un enfant perçu
à partir de ce qu´il est déjà, c´est à dire, prit comme différent et singulier indépendamment
des expectatives de l´adulte? C´est à cette question que Silvia Real a également essayé de
répondre, notamment, lorsque sa posture face aux erreurs desenfants s´est modifiée. Or,
ce changement sous-entend un autre, encore plus fondamental, lié justement à la façon de
se rapporter à l'enfance: non plus comme étape du développement, ni d´après une
complétude ou une fin préétablie vers laquelle l´enfant devrait évoluer, mais comme
ouverture totale à la nouveauté, à l'inattendu et à la différence. C´est-à-dire qu´au lieu de
corriger les erreurs des enfants en fonction d´un modèle validé comme juste ou vrai par
l´adulte et auquel l´enfant devrait correspondre, ou en fonction d´une notion de perfection
établie par celui-ci, l´artiste en est venue à les capter en tant que différences originales,
éléments singuliers ou encore en tant que nouveautés. Et c´est aussi ce qui explique
l´émotion liée à la surprise et à l´étonnement que le public peut ressentir pendant tout le
spectacle. Ces courts témoignages des jeunes acteurs nous le disent à leur manière: «Si
tout était identique, parfait, alors les gens sauraient ce qui va se passer(Helena)»; «Oui, parce
que, au lieu d'être habitué à voir tout bien fait, le public peut voir des choses qui ne sont
pas pareilles et qui sont plus intéressantes (Miguel)»; «Nous transformons les erreurs pour
qu'elles surprennent et donnent plus de vie au spectacle! (Jasmin)». À chaque nouvelle
scène, le public est surpris des évènements imprévisibles, qui, comme pour les erreurs, ont
été travaillés dans cette relation particulière aux enfants.
Puis, en captant des détails significatifs provenant des jeunes acteurs, l´artiste en est venue
à les transformer artistiquement jusqu'à ce qu'ils deviennent des éléments de la création.
L'enthousiasme et la joie avec lesquels ces jeunes ont vécu ce processus, a naturellement
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