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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   des interprètes, il s'agit «D'une erreur fait exprès». Mais alors, comment considérer une

                   erreur hors du domaine du correct et de l'incorrect?

                   Aux prémices de ce processus artistique, le groupe d'enfants qui participait aux cours de
                   théâtre  et  de  danse  menés  par  Silvia  Real,  présentait  des  niveaux  de  maturité  et  de

                   compréhension très hétérogènes. Alors que la plupart des enfants répondait avec rapidité
                   aux exercices proposés, certains les exécutaient avec d'avantage de difficulté. Face à cette

                   situation, l´artiste a commencé par faire ce que les adultes font d´habitude, c´est-à-dire
                   corriger  les  enfants  qui,  apparemment,  ne  répondaient  pas  à  ses  attentes.  Puis,  à  un

                   moment donné, il s'est produit un changement dans sa manière de procéder, de sorte que
                   les erreurs sont devenues un défi stimulant pour l'évolution du groupe et un potentiel de

                   création artistique. Comme la jeune interprète Jasmine l’explique, cela se passa ainsi:

                          «Un jour Silvia enregistrait et nous allions faire le mieux possible pour qu'elle puisse
                          voir. On allait tout faire parfaitement! On était filmés pour qu'elle puisse voir chez

                          elle ce qui marchait et ce qui ne marchait pas. Mais Diogo a fait quelque chose de
                          différent, il a fait une erreur, et Silvia s'est fixée là-dessus. C'est une erreur qui l'a
                          surprise».


                   Depuis cet évènement, les répétitions, au lieu de se poursuivre en se limitant à une simple

                   répétition du même qui viserait à faire disparaître les «erreurs» et à rendre tout de plus en

                   plus parfait suivant un modèle - pour reprendre les idées de Jasmine - se sont ouvertes à la
                   différence.  Les  erreurs  ont  été  accentuées,  jusqu'à  intégrer  le  continuum  des

                   performances: «Puis nous avons fixé l'erreur de Diogo, et l'erreur est devenue un élément
                   fixe. Nous n'avons pas effacé les erreurs, nous les avons transformées».


                   Pour  que  cela  soit  possible,  il  a  fallu,  en  premier  lieu,  face  aux  réponses  des  enfants,

                   suspendre  tout  type  de  jugement  du  genre  «juste»  ou  «faux»  et,  de  cette  manière,
                   permettre de dégager des formes abstraites à partir de leurs mouvements du corps, de

                   leurs  gestes  ou  bien  de  leur  rythme  propre.  En  arrêtant  de  comparer  l'exécution  des
                   exercices avec des modèles ou des objectifs prédéfinis, la relation de l'artiste aux jeunes

                   acteurs s'est ouverte à la nouveauté et à l'inattendu que l'enfance peut transporter avec

                   elle.  Bien  évidemment,  et  réciproquement,  cela  a  provoqué  chez  les  enfants  une  plus
                   grande sensation de liberté, leur permettant de s'exprimer plus librement et de prendre
                   plus de risques sans peur de se tromper. Ainsi, plutôt que de continuer à comprendre les






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