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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
Image 20: Les enfants des rues populaires, photographiés par Doisneau
Aujourd’hui les textes officiels des systèmes scolaires occidentaux ne cessent de proclamer
la reconnaissance du nouveau statut de l’enfant comme personne, être autonome, acteur
de sa vie et de ses apprentissages, sujet de droits, etc. Tout serait donc pour le mieux dans
le meilleur des mondes possibles, si cette représentation favorable ne fonctionnait pas
surtout comme un leurre idéologique. En effet, rien ne dit que la situation effective des
enfants occidentaux vérifie les caractéristiques de la représentation de l’enfant-sujet.
Certes, la situation créée par l’émergence de la représentation de l’enfant comme un sujet
de droit a d’évidentes conséquences positives sur le statut de l’enfant, sur sa protection et
sur l’importance accrue que va lui accorder la société des adultes. Ainsi, cette conception
accompagne aisément des politiques éducatives et familiales ambitieuses et ouvertes à la
singularité de l’enfance.
Cependant cette représentation fonctionne aussi comme un leurre idéologique, c’est-à-
dire comme une image inversée de la réalité du statut de l’enfant dans des sociétés
occidentales désormais en proie à l’utilitarisme néo-libéral et à leur propre transformation
en un marché. Un discours comptable et objectivant s’impose en effet dans les systèmes
éducatifs occidentaux, sous l’effet de l’alignement partiel de l’École sur le modèle de
l’entreprise. Le projet humaniste de formation de la personne s’efface devant l’impérative
construction des compétences attendues par les prescripteurs. Dès lors, dans ce monde
gouverné par l’évaluation des compétences, il n’y a plus guère de sujet qui vaille:
l’épanouissement s’efface devant la performativité, et la petite enfance elle-même est le
motif d’enquêtes et de procédures testométriques censées permettre de détecter avec
précocité les failles de chacun.
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