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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   élémentaires de la simple survie biologique: se nourrir, se soigner si possible et prendre
                   soin de ses enfants.


                   La lutte contre le racisme

                   Dans une émission télévisée où il était invité, sur une chaîne d’information continue lors de
                   la semaine de la lutte nationale contre le racisme, à l’origine de notre rencontre, Jean-Marie

                   Le Pen était appelé à réagir à un clip video destiné à l’éducation contre le racisme. Son
                   commentaire, glaçant, n’avait pas été relevé par le journaliste qui l’interrogeait. Il disait en

                   substance: «je vois bien que l’on défend les noirs, les arabes et les juifs mais qui défend la

                   race blanche contre les actes racistes dirigés contre elle?». Cette logique est impitoyable:
                   toute dénonciation d’une injustice à l’encontre d’un groupe social subalternisé maintient
                   effectivement le principe de la subalternité: il faut être compatissant avec les plus faibles

                   pour qu’ils ne souffrent plus visiblement de leur sort, sans pour autant y porter remède.

                   Ainsi, dans la «société juste» de J. M. Le Pen, la justice consiste à ce que chaque groupe
                   puisse  conserver  sa  position  de  façon  pérenne.  Et  reprocher  aux  dominants  leur

                   domination est bien une injustice selon la nature: il faut alors défendre la «race blanche»
                   contre ses ennemis.


                   Il est donc nécessaire de déplacer stratégiquement le problème. J’ai conscience en disant

                   cela d’aller quelque peu, non pas à contre courant, mais dans des voies délaissées des
                   pratiques  pédagogiques  qui  ont  pu  être  celles  de  l’École  nouvelle  en  Europe  après  la

                   Première guerre, lorsque la lutte contre les chauvinismes comme relais instrumentalisés de
                   la domination sociale était un objectif des pédagogies émancipatrices. Ce qui signifie que

                   la lutte contre le racisme à l’école ne peut être ni une argumentation rationnelle de l’égalité
                   des  hommes  et  de  l’imposture scientifique  des  théories  raciales  -  ce  qui  est  un  travail

                   ultérieur  de  formation  -  ni  une  imprégnation  esthétique  et  sentimentale  en  vue  de  la

                   «tolérance» vis à vis de la différence, mais bien une formation éthique concrète de soi-même
                   à travers des pratiques d’apprentissages qui tendent à ce que Jacques Rancière appelle la
                   «vérification de l’égalité».


                   Cette formation éthique de soi-même concerne à la fois, bien sûr, les éducateurs et les
                   éduqués,  les  enseignants  et  leurs  élèves.  C’est  la  thèse  que  je  défends  en  éthique  de

                   l’éducation: seule une pratique de soi permettant une transformation de soi en vue d’une
                   cohérence  de  ce  que  l’on  fait  dans  le  présent  et  de  ce  que  l’on  veut  devenir  comme

                   praticien dans un avenir plus éloigné est réellement éthique. Ce n’est qu’en se considérant



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