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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   Luttant contre le racisme, l’éthique professionnelle est une éthique métamorphique qui
                   détermine les processus d’éducation et de formation comme des schèmes de déplacement

                   et de transformation du sujet.


                   Conclusion: les deux armes contre le racisme

                   Le racisme n’est ni une tendance profonde qu’il conviendrait d’extirper, ni une maladie

                   contre laquelle il faudrait inoculer un vaccin. On ne lutte pas contre le biologisme de la vie
                   nue par le biologisme de la corruption ou de la contamination. C’est pourquoi il ne faut pas

                   être déçu de ne pas trouver de remède radical, puissant et visible contre lui. Mais il y a des
                   armes qui, parce qu’elles ne sont pas spécifiques et qu’elles luttent aussi contre autre

                   chose à laquelle souvent l’on tient, son rang social, sa place hiérarchique, bref ce que l’on
                   pense constituer la «dignité de sa vie», ne sont guère mobilisées par les enseignants. En

                   dehors de la législation, si mal utilisée, quand on pense à la quasi-impunité qui entoure la
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                   tsiganophobie  en  France ,  les  éducateurs  ont  deux  armes  majeures. La première  est,
                   comme vérification de l’égalité, de considérer chaque élève comme n’importe qui et non
                                                                                                  276
                   pas comme un sujet qui serait promis, de par ses origines, à l’invisibilité, à la précarité , à
                   la délinquance, voire aux enrôlements politico-religieux. Il faut se départir de cette attitude
                   de repli et de résignation - donc de consentement à la distribution politique des places - qui

                   se manifeste à notre insu (c’est l’infra-idéologie de Macherey) lorsque nous considérons
                   qu’un élève, qu’un étudiant, ou qu’un sujet en formation, lorsqu’ils semblent visiblement

                   exclus  des  filières  dans  lesquelles  se  (re)constituent  les  élites  devraient  recevoir,  en
                   compensation, notre bienveillance renforcée, notre compassion attristée ou notre effort

                   pour qu’ils soient reconnus dans ce qu’ils «sont» mais qui les disqualifient dans ce concours
                   pour les places sociales gratifiantes et qui les immobiliseront dans une particularité qui ne

                   deviendra  jamais  leur  singularité:  «puisque  tu  es  issu  d’origines  qui  te  particularisent

                   négativement, retournent-les à ton profit pour t’affirmer». Ce que l’on prépare, à travers
                   de précepte pernicieux, c’est la «double peine» sociale qui, après l’échec à obtenir une
                   place gratifiante dans l’ordre social, condamne à penser que l’on en est responsable, non

                   plus pour ses origines, mais pour son manque de désir, de conatus, d’appétence comme

                   disent les sociologues, pour la réussite scolaire, alors que ce qui a fait défaut, précisément,



                   275  Liégeois, J., P., Roms et Tsiganes, Paris: La Découverte, 2009.

                   276  Le Blanc, G., L’invisibilité sociale, Paris: PUF, 2009.



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