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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   enfants  hors  des  premiers  espaces  de  la  socialisation.  Or,  dans  le  contexte  de  la
                   scolarisation  des  enfants  en  situation  de  handicap,  penser  la  différence  en  termes

                   d’inclusion plutôt que d’exclusion ne doit-il pas impliquer de redresser la différence «de
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                   haut en bas» , de la retourner de la négation vers l’affirmation?

                   Par ses gestes répétitifs et par ses crises, le jeune autiste tendrait à s’enfermer sur lui-
                   même, et ce qui apparaît comme un comportement de repli sur soi le prive de l’école, ce

                   lieu qui pourrait pourtant l’aider à s’ouvrir à soi et au monde. Sans doute a-t-on cru que la
                   répétition des gestes avait quelque chose de mécanique, indiquant une absence, un corps

                   qui n’est pas habité et duquel nulle subjectivité ne saurait se montrer ni se dire. Mais la
                   répétition n’implique-t-elle pas un répétiteur? De ces gestes qui se répètent, «nous devons

                   distinguer un sujet secret à travers eux, véritable sujet de la répétition»(D.&R,36). Ce sujet
                   répétiteur apparaît d’autant plus secret que, souvent, l’enfant avec autisme est non verbal.

                   Ainsi, de ce corps qui semble échapper au contrôle de soi, de ce langage fait de silences et
                   de cris, surgit le tableau de la différence. Mais la différence est mal comprise quand elle se

                   confond avec des différences saturées de déterminations. Cette confusion conduit à isoler,
                   séparer, exclure. Les enfants qui sont jugés différents sont évincés: aupire, ils sont rejetés

                                                                                       281
                   au bord de l’École, au mieux, répartis dans des classes, mais distinctes  de celles des
                   autres enfants. À la fois dans les murs de l’École et hors d’elle.


                   Très peu d’autistes fréquentent les classes ordinaires. Si l’École ne parvient toujours pas à
                   inclure ceux qu’elle appelle les «enfants à besoins spécifiques», c’est parce qu’elle établit
                   des  «différences  entre».  Or,  la  «différence  entre»  n’est  pas  la  différence,  mais  c’est

                   l’opposition et la négation. L’exclusion des enfants autistes hors de l’École repose sur cette

                   confusion entre la différence, la négation et l’opposition. Si bien que, ce qu’est la différence
                   en elle-même, nous le manquons. Nous le manquons parce que nous subordonnons la

                   différence à des notions qui mènent toute pensée de la différence dans une impasse. En
                   effet, la différence ne suppose pas l’opposition (D.&R.,73). Et l’opposition ne dit rien de la

                   différence. Mais elle la «trahit» et la «dénature»(D.&R.,73).







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                       Deleuze,  G.,  Différence  et  répétition,  Paris:  PUF,1968,  p.  78  (désormais  entre  parenthèses  à
                   l'intérieur du texte: D.&R.)

                   281  Les classes ULIS et les unités d’enseignement (UE).



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