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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                          totale. Notre travail d'artiste consiste à revenir en arrière pour retrouver cet état.
                          C'est cela que j'apprends avec eux car ils n'ont pas les préjugés que nous avons, ni

                          les  barrières  que  nous  avons,  Ils  n'ont  pas  l'histoire  que  notre  corps  a  déjà.
                          N'importe quelle chose à laquelle ils s'attachent peut se développer dans cet état».

                   En reconnaissant la puissance d´imaginer des enfants ainsi que leur absence de préjugés,
                   l´artiste  souhaitait  s´imprégner  de  cette  ouverture  d´esprit  dans  laquelle les enfants

                   baignent, ce qui l´a amenée vers un processus de désapprentissage où le non-savoir peut
                   être  considéré  comme  bénéfique.  Comme  l'affirme  José  Gil  dans  son  analyse  de

                   l´hétéronyme du poète Fernando Pessoa, Alberto Caeiro, «Apprendre à désapprendre, tel
                   que Caeiro l´a écrit, pour avoir accès à une vision spontanée et naturelle. Ne serait-ce pas

                   l´équivalent  d´un  retour  vers  l'enfance,  la  fraîcheur  et  l'ingénuité  premières  du regard

                   enfantin?» 448 . Considérant le regard que les enfants portent sur le monde, notamment leur
                   capacité à s´émerveiller devant chaque chose, le poète chercherait à s´imprégner de cette
                   même vision pour s´inspirer et écrire. Selon l’analyse du philosophe sur Caeiro, le poète,

                   afin  qu´un  adulte  puisse  percevoir  les  choses  de  cette  manière,  c´est-à-dire,  comme  si

                   c´était pour la première fois qu´elles étaient vues, cela implique un désapprentissage. Ainsi,
                   comme pour le poète, pour l´artiste Silvia Real, l´accès à cette expérience de la nouveauté,
                   serait possible à travers un ce même processus, ce qui, bien entendu, intervertit la manière

                   habituelle de penser le rapport à l´enfant. Non plus l´enfant en direction de l´adulte, de son

                   savoir et de ses acquis, mais la possibilité d´une vraie rencontre entre un adulte et un
                   enfant, notamment par le biais d´une reconnaissance vis-à-vis de ce que l´enfant est déjà.


                   Toutes  ces  explications  nous  amènent  à  penser  l´enfance  autrement,  en  dehors  d´un

                   rapport à l´adulte prit comme modèle et ou finalité, puis, finalement, comme condition de
                   possibilité de l'expérience artistique en jeu dans ce processus de travail. C´est à partir de

                   cette nouvelle relation à l´enfance que les adultes comme les enfants auraient puisé afin
                   de  créer  quelque  chose  de  nouveau,  au-delà  de  toute  attente.  Selon  l'acception

                   deleuzienne, le concept du devenir indique un processus différent de l'imitation suivant
                   lequel il s´agit simplement d´atteindre un modèle:


                          «Devenir, ce n’est jamais imiter, ni faire comme, ni se conformer à un modèle, fût-il
                          de justice ou de vérité. Il n’y a pas un terme dont on part, ni un auquel on arrive ou



                   448  Gil, J., Diferença e Negação na Poesia de Fernando Pessoa, Lisboa: Relógio d´Água, 1999, p. 21.





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