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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   l'intensité  et  la  fraîcheur,  dans  le  cas  présent,  du  questionnement  philosophique  des

                   enfants. De cette façon, le public est amené à s'interroger à propos des questions posées
                   par les interprètes pendant cette scène.

                   Assis  sur  un  canapé  jaune,  un  groupe  de  personnages  assez  particuliers,  se  demande

                   comment seraient les choses si tout était jaune et constate que, si les autres couleurs
                   n'existaient pas, le jaune ne pourrait pas exister. Une fois cette conclusion posée, puis

                   extrapolant à l'ensemble des choses, ils en déduisent que rien ne peut être identique et
                   que toute chose implique son contraire. C'est ainsi que, bien que n'étant pas philosophes,

                   leur raisonnement se situe dorénavant sur le plan de la philosophie. Penser l´être d'une
                   chose relève, en effet, de la philosophie. Et, plus spécifiquement, la pensée du caractère

                   premier ou second de la différence se réfère, elle, au domaine de la métaphysique. La
                   conversation se prolonge et, Xabanú, en guise de synthèse, affirme:


                   «Pour qu'il y ait du noir, il faut qu'il y ait du blanc, pour qu'il y ait un oui, il faut qu'il y ait le

                   non, pour que le jaune existe, il faut que les autres couleurs existent. Et pour qu'il y ait une

                   montée? Il faut qu'il y ait une descente!». À ce moment, surprise par cette idée, Jamais
                   déclare:  «Ah!  Tout  a  son  contraire».  Suite  à  ce  raisonnement,  Christine  apporte  une

                   nouvelle  idée:  «On  ne  sait jamais si  c'est  une  montée  ou  une  descente».  Et,  au  même
                   moment, Esdrubaldina se met à faire le poirier, traduisant ainsi les idées précédentes par

                   le biais du corps, soit en se mettant à l´envers, la tête en bas, pour indiquer quelque chose
                   qui est de l´ordre du contraire ou encore de l´inversion du sens.


                   Si  mon  but,  pendant  les  séances,  avait  été  d'enseigner  aux  enfants  à  penser  selon  un

                   modèle déterminé ou de les orienter vers une réponse donnée, j'aurais pu, en écoutant ces
                   idées, les juger fausses, et donc, je me serais opposée à la tournure que la conversation

                   était en train de prendre. Par exemple, vis à vis de l'idée qu'une montée puisse être la
                   même chose qu'une descente, idée accueillie avec un grand enthousiasme par les enfants,

                   mais inacceptable du point de vue de la logique du syllogisme, reposant sur le principe de

                   non-contradiction.  Quoi  qu'il  en  soit,  quelque  chose  dans  mon  attitude,  libre  de  tout
                   jugement, a permis aux enfants de poser et de développer le problème librement. Si l'on
                   pense aux processus artistiques décrits précédemment, notamment la manière dont Silvia

                   a géré les «erreurs», on peut remarquer des formes communes entre nos méthodes de

                   travail. En effet, en écoutant les enfants philosopher, quelque chose s'est produit en moi
                   de l´ordre de l´étonnement, si bien qu'immédiatement, ma pensée s'est élargie tout en




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