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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   s´ouvrant à la nouveauté, c´est à dire à ce qui n'était pas prévu. J'imagine qu'un sentiment

                   du même ordre a dû animer Silvia lorsqu'elle s'est étonnée de l' «erreur» de Diogo, tel que
                   je l´ai décrit dans la première partie de cet article.

                   Confrontée, donc, à l'idée qu'une montée puisse être la même chose qu'une descente, j'ai

                   accueilli cette hypothèse, plutôt que de la rejeter. Je l'ai acceptée tel que les enfants l´ont
                   fait  entre  eux,  ce  qui  m´as  permis  de  suivre  par  la  suite  le  déroulement  de  leur

                   problématique, à savoir: «Une chose! Son contraire peut être la chose même»- affirma
                   David comme s´il venait de découvrir quelque chose d´important. «Quand on reviendra en

                   arrière on descendra». - pensa Diogo à haute voix.

                          «La montée est aussi une descente parce que tu peux aussi descendre la montée!

                          On l'appelle montée parce qu'on est en train de monter! Quand on la descend, on
                          l'appelle descente! Mais c'est la même  chose. Ce sont les noms qui indiquent le
                          contraire parce que ça dépend de ce que tu fais». Justifia Jasmin avec certitude.


                   Le  fait  d'aborder  ces  idées  au-delà  de tout  jugement  sur ce qui  est correct  ou  non de
                   penser, au lieu de les rejeter comme si elles présentaient une erreur logique, nous a permis

                   à tous, et ce même sans pouvoir le prévoir, de nous rapprocher de la pensée d'Héraclite.

                   Selon ce philosophe, tout est en constant devenir, tout est fluctuant, en mouvement, et
                   donc rien n'est statique. Son aphorisme le plus connu, «On ne se baigne jamais deux fois

                   dans le même fleuve» indique bien que l'eau d'un même fleuve est toujours différente à

                   chaque instant et donc qu´il est impossible de vouloir la rendre quelque chose de statique
                   ou  de la  définir  comme un  objet  immobile, sans  vie.  Tel  que Nietzsche  le décrit,  selon
                   Héraclite, le devenir est la seule réalité: «Je ne vois rien que le devenir. Ne vous laissez pas

                   tromper! C´est un effet de votre courte vue et non pas de l´essence des choses, si vous

                   croyez  apercevoir  en  quelque  endroit  une  terre  ferme  sur  la  mer  du  devenir  et  du
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                   périssable[…]» . Ainsi, chaque fois que quelque chose semble être en repos, séparé ou
                   en dehors de cette continuité avec le flux, il s´agit d'un regard soumis à ses propres limites.
                   Au sujet de la pensée du philosophe présocratique, Nietzche rajoute encore: «Et c´est ce

                   qu´il fait dans des formules comme ‘Toute chose, en tout temps, recèle son contraire’, avec





                   453  Nietzsche, F., La philosophie à l´époque tragique des Grecs, Paris: Gallimard, 1975, p. 29.




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