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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   D’après Mallarmé, à côté de Joyce, Beckett, etc. À partir des ces rapproches entre langue
                   orale,  écriture  et  imagerie,  Oswald  oppose  «une  conception  cinématographique  de  la

                   pensée» à la thèse d'un «sens transcendant» du texte. En tant que scène, un texte se prête
                   moins à la «compréhension» qu’au goût et à la digestion, comme Nietzsche a déjà dit.


                   Alors,  reprenons  donc  la  question  de  notre  héritage  amérindienne.  Au  Brésil,  nous
                   éprouvons  une certaine  «faillite de l’école»: la grand  majorité des  élèves  quitte  l'école

                   avant la fin du secondaire; la plupart des ceux qui parviennent à le finir ne savent pas lire
                   et interpréter un texte ou effectuer des opérations mathématiques triviales. La réaction

                   automatique est de demander plus de classe de portugais, plus de classe de math. Une
                   pédagogie anthropophagique se méfie radicalement de cette réaction. L’Anthropophagie

                   c’est aussi un «projet de formation», une sorte de philosophie libertaire qu’établit un court-
                   circuit  dans  le  concept  de  l'éducation  occidentale  à  vouloir  intégrer  (incorporer)  la

                   perspective ou le regard amérindienne au sens propre de ce qui serait une culture, à partir
                   de la devise de la «dévoration».



                   Formation, coup de vent: la loi et le corps


                   Dans la tradition philosophique de l'Occident, la formation est une sorte de tempête. Dans

                   la tradition allemande de la Bildung, la formation culturelle de l'individu sera fortement
                   marquée par l'image romantique de la tempête, symbole de la capacité humaine de se

                   reconnaître par le sentiment du sublime comme destination suprasensible et la majesté de
                   la nature. La philosophie est le point culminant de cette reconnaissance comme «auto

                   conscience vivant de l'Esprit» (Fichte); la conscience de soi de ce souffle qui est la pensée.
                   Ce  sommet  n’a  pourtant  pas  aucune  indépendance  au  regard  de  la  matière  :la

                   dématérialisation la suppose de façon radicale. Dans toutes les cultures et également en

                   Amérique nous rencontrons des images et processus concernant des relations multiples
                   entre le souffle de l’Esprit et la matière. Reste que pour les amérindiens le souffle est
                   partout,  il  est  dans  la  matière,  il  est  la  nature  elle  même.  Au  Brésil,  nous  sommes

                   confrontées  au  vertige  de  l’intensité  des  sens,  la  densité  de  la  nature,  l’énormité  du

                   continent: le Brésil «...c’est trop grandiose. On cherche l’homme. Il n’y en a pas, et cela
                                 171
                   fiche le cafard» .



                   171  Cendrars, B., Le Brésil. Des hommes sont venus, Paris: Gallimard, 2010, p. 12.



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