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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   valoir que les progrès technologiques n’ont rien changé à cette conclusion essentielle de la
                   seconde moitié du siècle XX.


                   Mais serait-il possible de dire par contre qu'il peut avoir dans cette supposée résistance au
                   «littéraire» parmi nous quelque chose de libérateur, plein de nouveaux mouvements de

                   formation qui passent pour le sensible, ou pour une autre «logique» alternative à «la auto
                   conscience vivant de l'Esprit» de la tradition occidentale? Peut-être pas une autre «logique»

                   (un autre lógos, une autre type de discours), mais une autre façon dans laquelle l'Esprit, le
                   souffle de la pensée, devient conscient de soi. Pas nécessairement un rejet du domaine du

                   discours (de l'alphabétisation, de la culture classique européen et même sud-américaine),
                   mais peut-être d’autres façons de l’utiliser et le valoriser.


                   Pour Platon, capturer la «forme» des choses, l'idée, ce serait la plus haute tâche de l'âme,

                   la psyché, le souffle de la pensée, et ce serait le propre de l’humain. D'autre part, ce n’est
                   jamais assez de faire remarquer que la métaphore la plus fondamentale de la connaissance,

                   la capture de l'idée, est visuelle: le soleil platonicien comme l’idée de l'idée, l'éclairage de

                   l'âme et des images connexes. L'âme voit, mais elle-même ne se voit pas. Elle se sent,
                   corporellement.  En  étant  un  souffle,  un  vent,  elle  est  plutôt  un  phénomène  tactile,
                   haptique et thermique, surtout dans la chaleur des tropiques.



                   Une pratique de lecture anthropophagique?


                   Nous allons éviter de dire que nous travaillons avec des métaphores. Le mot incorporation

                   se dit en plusieurs sens. La dimension didactique d’une pédagogie anthropophagique est

                   d’abord une pratique de lecture compris comme incorporation: exercices de lecture de
                   textes qui n'excluent pas la maîtrise de la grammaire, la pratique de l'argumentation, la

                   compréhension du texte, etc. mais qui soulignent radicalement d'autres «compétences»,
                   comme le collage, la libre association, la simultanéité. Contact, contagion, mise en scène,

                   dramatisation: c’est seulement dans ces conditions que plus tard, une autre «compétence»
                   peut avoir de sens pour la majorité de jeunes à l’école. Et même ces autres compétences,

                   quel sens auraient-ils si leurs perspectives de vie ne changent vraiment pas?

                   Nous allons illustrer cette dimension corporelle d’un apprentissage anthropophage avec
                   les performances de lecture / écriture des carnets des notes (les hupomnêmata) analysés

                   par  Foucault  dans  le  texte  «L'écriture  de  soi  même»,  dans  son  séminaire  nommé




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