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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
L’Herméneutique du sujet. Les carnets tel qu'ils ont été utilisés dans l'antiquité, ont des
différentes caractéristiques. Ils ont servi des exercices qui inscrivent la vérité dans l'âme,
ils résumèrent des lectures et des pensées, ils servaient aussi comme de contenu de
dialogue avec les autres, etc. Un aspect important est lié au fait que les carnets ne se
prêtaient pas à révéler une vérité sur son auteur, pas plus qu’une vérité qui doit être
recherchée (comme tout que dans le monde chrétien sera subordonné à la vérité révélée,
ou même ce que dans le monde moderne serait soumis à l'expérience d'une vie, une
biographie). Ils étaient par contre des registres des paroles, des cas, pondérations,
examens, et une fois écrites, une fois mis à côté avec d’autres paroles, cas, pondérations,
examens, ils devraient être disponibles, devraient être facilement consultés ou rappelés
dans des situations qui les demandent. Il s’agissait en outre d’une certaine économie de la
lecture et de l'écriture: pas trop lire, ni trop écrire. Des phrases courtes, des cas résumés.
La «méditation» proposée par les carnets de notes commence pour être une appropriation.
Selon Foucault, étant donné un texte, nous ne demandons pas à ce qu'il signifie:
«Il ne s'agit donc pas du tout, à propos d'un texte donné, de faire l'effort qui
consisterait à [se demander] ce qu'il a donc voulu dire. On ne va pas du tout dans le
sens de 1'exégèse. Avec cette meditatio, il s'agit au contraire de s'approprier [une
pensée], de s'en persuader si profondément que d'une part on la croit vraie, que
d'autre part on peut sans cesse la redire, la redire aussitôt que la nécessité s'en
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impose ou que l'occasion s'en présente» .
Cette mise en scène est approfondit par un deuxième aspect. La meditatio:
«... consiste à faire une sorte d'expérience, expérience d'identification. Je veux dire
ceci: il s'agit dans la meditatio, non pas tellement de penser à la chose elle-même,
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mais de s'exercer à la chose à laquelle on pense» .
Il y a une dimension corporelle de l’appropriation, de cette disposition de ce qui est lu ou
de ce qui a été écrit, ce que permet d’être dans ce que nous pensons, mouvement
indiscernable d'un exercice du corps: «L'exercice de lecture n'était pas quelque chose de
facile: il n'était pas question de lire comme ça, des yeux. On était obligé, pour arriver à
176 Foucault, M., L’Herméneutique du sujet, Paris: Gallimard, 2001, pp. 339-340.
177 Ibid., pp. 339-340.
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