Page 133 - Amechanon_vol1_2016-18
P. 133

Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   L’Herméneutique du sujet. Les carnets tel qu'ils ont été utilisés dans l'antiquité, ont des
                   différentes caractéristiques. Ils ont servi des exercices qui inscrivent la vérité dans l'âme,

                   ils  résumèrent  des  lectures  et  des  pensées,  ils  servaient  aussi  comme  de  contenu  de
                   dialogue avec les autres, etc. Un aspect important est lié au fait que les carnets ne se

                   prêtaient  pas  à  révéler  une  vérité  sur  son  auteur,  pas  plus  qu’une  vérité  qui  doit  être
                   recherchée (comme tout que dans le monde chrétien sera subordonné à la vérité révélée,

                   ou  même  ce  que  dans  le  monde  moderne  serait  soumis  à  l'expérience  d'une  vie,  une
                   biographie).  Ils  étaient  par  contre  des  registres  des  paroles,  des  cas,  pondérations,

                   examens, et une fois écrites, une fois mis à côté avec d’autres paroles, cas, pondérations,

                   examens, ils devraient être disponibles, devraient être facilement consultés ou rappelés
                   dans des situations qui les demandent. Il s’agissait en outre d’une certaine économie de la
                   lecture et de l'écriture: pas trop lire, ni trop écrire. Des phrases courtes, des cas résumés.


                   La «méditation» proposée par les carnets de notes commence pour être une appropriation.
                   Selon Foucault, étant donné un texte, nous ne demandons pas à ce qu'il signifie:


                          «Il  ne  s'agit  donc  pas  du  tout,  à  propos  d'un texte  donné,  de  faire  l'effort  qui

                          consisterait à [se demander] ce qu'il a donc voulu dire. On ne va pas du tout dans le
                          sens de 1'exégèse. Avec cette meditatio, il s'agit au contraire de s'approprier [une
                          pensée], de s'en persuader si profondément que d'une part on la croit vraie, que
                          d'autre part on peut sans cesse la redire, la redire aussitôt que la nécessité s'en

                                                            176
                          impose ou que l'occasion s'en présente» .

                   Cette mise en scène est approfondit par un deuxième aspect. La meditatio:

                          «... consiste à faire une sorte d'expérience, expérience d'identification. Je veux dire
                          ceci: il s'agit dans la meditatio, non pas tellement de penser à la chose elle-même,
                                                                   177
                          mais de s'exercer à la chose à laquelle on pense» .

                   Il y a une dimension corporelle de l’appropriation, de cette disposition de ce qui est lu ou

                   de  ce  qui  a  été  écrit,  ce  que  permet  d’être  dans  ce  que  nous  pensons,  mouvement
                   indiscernable d'un exercice du corps: «L'exercice de lecture n'était pas quelque chose de

                   facile: il n'était pas question de lire comme ça, des yeux. On était obligé, pour arriver à




                   176  Foucault, M., L’Herméneutique du sujet, Paris: Gallimard, 2001, pp. 339-340.

                   177  Ibid., pp. 339-340.



                                                           133
   128   129   130   131   132   133   134   135   136   137   138