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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



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                   point  l’enfance:  sur  les  fausses  idées  qu’on  en  a, plus  on  va,  plus  on  s’égare» :  cette
                   remarque  méthodologique  de  Rousseau  fonde  l’élan  dont  s’inspire  l’étude  des

                   représentations  du  corps  enfantin  par  les  adultes.  Le  constat  de  départ  est  d’ailleurs
                   partagé par bien des études historiques, qui constatent que «ce que l’on sait de l’enfant

                                                                       218
                   n’est que le résultat du regard que l’adulte porte sur lui» .

                   Le corps de l’enfant est donc avant tout un corps représenté, conçu, fantasmé, pensé,

                   imaginé par les adultes à travers leurs représentations, c’est-à-dire par la médiation de ce
                   que les adultes pensent que les enfants sont. Mais qu’est-ce qu’une représentation sociale?

                   Une  représentation  sociale  est  «une  forme  de  connaissance,  socialement  élaborée  et
                   partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune

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                   à un ensemble social» . Autrement dit, il s’agit d’une forme de savoir collectif qui fait écran
                   dans le domaine de la connaissance, en un double sens: un écran sur lequel nous projetons

                   nos préconceptions et un écran qui occulte d’autres points de vue sur l’enfance.

                   En ce qui concerne les représentations de l’enfance en Occident, nous allons étudier ci-

                   dessous une classification organisée en quatre catégories génériques:
                       •  premièrement,  l’enfance-manque  (une  caricature):  un  corps  animalisé,
                          monstrueux, mou;

                       •  deuxièmement, l’enfance-innocence (un idéal): un corps pur, angélique, mythifié;

                       •  troisièmement, l’enfance-objet (un savoir): un corps chosifié, normalisé, mesuré,
                          objectivé;

                       •  quatrièmement,  l’enfance-sujet  (un  projet  et  un  leurre  idéologique):  un  corps
                          subjectivé, libéralisé, émancipé.














                   217  Rousseau, J.,J., «Émile ou De l’Éducation» (préface), dans: Œuvres complètes, Paris: Gallimard, La
                   Pléiade, tome IV, 1969.

                   218  Alexandre-Bidon, D., & Lett, D., Les enfants au Moyen Age, V°-XV° siècles, Paris: Hachette, 1997, p.
                   11.

                   219  Jodelet, D., «Représentations sociales: un domaine en expansion», dans: Jodelet, D., (dir.), Les
                   représentations sociales, Paris: Presses universitaires de France, 1989, p. 36.



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