Page 162 - Amechanon_vol1_2016-18
P. 162
Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
L’enfance-innocence
En contrepoint de cette première série, un second type de représentations idéalise
l’enfance et présente celle-ci comme un état d’humanité particulièrement marqué par des
traits tels que l’innocence, la pureté, la simplicité, la spontanéité poétique, etc. Vu sous cet
angle, l’enfant serait «naturellement bon», en vertu d’un postulat à partir duquel Rousseau
a construit un plan éducatif dont la postérité a retenu les mérites mais oublié la plupart des
ambiguïtés: «aimez l’enfance; favorisez ses jeux, ses plaisirs, son aimable instinct […]
Pourquoi voulez-vous ôter à ces petits innocents la jouissance d’un temps si court qui leur
230
échappe» . Le succès mondial de la figure du Petit Prince, chez Saint-Exupéry, symbolise
cette fiction d’un enfant à la sagesse simple et lumineuse.
Image 7: «Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatigant, pour
231
les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications» .
Comme le dit Chombart de Lauwe dans une étude pionnière sur les représentations du
monde de l’enfance, «mythiser le personnage consiste en une symbolisation de l’enfant,
qui est déréalisé, essentialisé, et inséré dans un système de valeurs dont il forme le
232
centre» . Cela est particulièrement le cas dans l’autre représentation de l’enfance diffusée
par le christianisme: celle de l’enfant christique, caractérisé par sa nudité et sa pureté.
Ainsi, alors que les plus anciennes images du Christ enfant représentaient celui-ci avec un
corps de bébé mal assorti à une tête d’adulte, l’image du nourrisson s’est progressivement
230 Rousseau, J.,J., op.cit., livre II, p. 302.
231
Saint-Exupéry, A., Le Petit Prince, Paris: Gallimard, 1999, p. 104.
232 Chombart de Lauwe, M., J., Un monde autre: l’enfance. De ses représentations à son mythe, Paris:
Payot, 1971, p. 14.
162