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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   L’enfance-innocence


                   En  contrepoint  de  cette  première  série,  un  second  type  de  représentations  idéalise
                   l’enfance et présente celle-ci comme un état d’humanité particulièrement marqué par des

                   traits tels que l’innocence, la pureté, la simplicité, la spontanéité poétique, etc. Vu sous cet
                   angle, l’enfant serait «naturellement bon», en vertu d’un postulat à partir duquel Rousseau

                   a construit un plan éducatif dont la postérité a retenu les mérites mais oublié la plupart des
                   ambiguïtés:  «aimez  l’enfance;  favorisez  ses  jeux,  ses  plaisirs,  son  aimable  instinct  […]

                   Pourquoi voulez-vous ôter à ces petits innocents la jouissance d’un temps si court qui leur
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                   échappe» . Le succès mondial de la figure du Petit Prince, chez Saint-Exupéry, symbolise
                   cette fiction d’un enfant à la sagesse simple et lumineuse.



















                   Image 7: «Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatigant, pour
                                                                                       231
                                les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications» .

                   Comme le dit Chombart de Lauwe dans une étude pionnière sur les représentations du

                   monde de l’enfance, «mythiser le personnage consiste en une symbolisation de l’enfant,
                   qui  est  déréalisé,  essentialisé,  et  inséré  dans  un  système  de  valeurs  dont  il  forme  le
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                   centre» . Cela est particulièrement le cas dans l’autre représentation de l’enfance diffusée
                   par le christianisme: celle de l’enfant christique, caractérisé par sa nudité et sa pureté.


                   Ainsi, alors que les plus anciennes images du Christ enfant représentaient celui-ci avec un

                   corps de bébé mal assorti à une tête d’adulte, l’image du nourrisson s’est progressivement



                   230  Rousseau, J.,J., op.cit., livre II, p. 302.

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                      Saint-Exupéry, A., Le Petit Prince, Paris: Gallimard, 1999, p. 104.

                   232  Chombart de Lauwe, M., J., Un monde autre: l’enfance. De ses représentations à son mythe, Paris:
                   Payot, 1971, p. 14.



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