Page 304 - Amechanon_vol1_2016-18
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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   L’inconscient visuel

                          «Nous connaissons en gros le geste que nous faisons pour saisir un briquet ou une

                          cuillère, mais nous ignorons à peu près tout du jeu qui se joue réellement entre la
                          main et le métal, à plus forte raison des changements qu’introduit dans ces gestes
                          la  fluctuation  de  nos  diverses  humeurs.  C’est  dans  ce  domaine  que  pénètre  la

                          caméra,  avec  tous  ses  moyens  auxiliaires,  ses  plongées  et  ses  remontées,  ses
                          coupures  et  ses  isolements,  ses  extensions  de  champ  et  ses  accélérations,  ses
                          agrandissements  et  ses  réductions.  Pour  la  première  fois,  elle  nous  ouvre
                          l’expérience de l’inconscient visuel, comme la psychanalyse nous livre l’expérience
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                          de l’inconscient instinctif » .


                   La photographie ou l’art de démasquer


                          «Moins que jamais, le simple fait de rendre la réalité n’énonce rien quant à cette

                          réalité. Une photo des usines Krupp ou de l’A.E.G. ne révèle pas grand chose sur ces
                          institutions. La réalité proprement dite a glissé dans le fonctionnel. La réification
                          des rapports humains, par exemple l’usine, ne révèle plus ce qui est en eux ultime.

                          Il  faut  donc,  en  fait,  construire  quelque  chose,  quelque  chose  d’artificiel,  de
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                          fabriqué» .


                   Photographie et identité: 10, mais aussi tout ce qui touche au temps.

                   Sous-jacente, une réflexion sur la notion de persona, ce masque que revêt tout homme
                   quand il tente de devenir acteur de sa propre vie.


                   Cette médiation, je la trouve chez un romancier contemporain Matthias Zschokke, dans

                   L’homme qui avait deux yeux (éditions Zoé, 2016, traduit de l’allemand). Dans cet extrait :

                          «Le  ciel  se  déchire  soudainement  et  soudain,  nous  pressentons  qu’il  existe  une
                          liberté,  tout  d’un  coup,  nous  avons  soif  de  sentiments  vrais,  de  sensations

                          authentiques,  de  pensées  claires,  d’une  conviction  lumineuse,  de  dignité,  de
                          maîtrise de soi, d’idéal, et alors éclate en nous cette bataille qui nous fait trembler.



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                      Benjamin, W., L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique (1936), chapitre XIII, fin Paris:
                   Allia, 2011, / version de 1939, Paris: Gallimard, 2008.

                   314  Brecht, B., dans: Benjamin, W., Petite histoire de la photographie (1931), Paris: Allia, 2012.



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