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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
à l’image se poursuit en quelque sorte dans la production extérieure et concrète
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d’images qui s’effectue dans l’espace social» .
Philosophie du portrait
Pour cette dernière partie du séminaire avec les étudiants, nous nous sommes attardés sur
une célèbre photographie de Boubat, un portait nommé Leila, et qui a été surnommé «la
Joconde de la photographie». Et nous avons prolongé cette analyse avec une analyse
philosophique de portrait, qui est peut-être bien le cœur même de l’art photographique, la
clé de sa portée ontologique.
Cette lecture collective de la photographie de Boubat s’est, très significativement,
développée en deux temps. Dans un premier temps, le regard des participants au séminaire
a été marqué par une forte mobilisation de la «lecture» sociologique: riche/pauvre,
sexualité latente dans la tenue de la jeune femme... Mais, passé ce premier temps, c’est
vers la découverte d’une autre dimension que la lecture s’est orientée: vers la perception
d’une forme de souveraineté, de liberté portée par la jeune femme, et qui nous renvoyait
à une notion importante en philosophie de la photographie et plus largement de l’image
d’art: celle de l’aura, telle que l’a comprise Walter Benjamin. Après avoir compris cette
notion, on comprend mieux le paradoxe apparent que souligne Jean-Luc Nancy: dans un
portrait, il y a à la fois présence et absence, retrait de ce qui est présent…
De l’importance du portrait en photographie. La valeur cultuelle. L’aura
«Avec la photographie la valeur d’exposition commence à repousser au second
plan, dans tous les ordres, la valeur de culte. Cette dernière pourtant ne cède pas
sans résistance. Son ultime retranchement est le visage humain. Ce n’est en rien un
hasard si le portrait a joué un rôle fondamental aux premiers temps de la
photographie. Dans le culte du souvenir dédié aux êtres chers, éloignés ou disparus,
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la valeur cultuelle de l’image trouve son dernier refuge» .
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Belting, H., Pour une anthropologie des images, Paris: Gallimard, 2004, p. 18.
317 Benjamin, W., L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique (1936), op. cit., chapitre VI.
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