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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



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                   contribue le plus à serrer ses liens . S’il s’agit bien de «purifier l’âme» en l’habituant à se
                   concentrer et se ramasser sur elle-même, c’est «à partir de tous les points du corps» qu’il

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                   convient de le faire . Tout le monde connaît, sans doute, dans le Banquet, les propositions
                   de  Diotime  sur  la  fécondité  selon  le  corps  et  selon  l’âme  par  désir  d’immortalité,  sur

                   l’entreprise d’être éducateur  afin de définir «ce qu’il  faut  que soit  l’homme qui  est  un
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                   homme de bien et ce à quoi il doit s’employer»  (206-209), pour enfin accéder par degrés
                   aux derniers mystères et à la révélation: l’initiation commence par le corps, puis tous les
                   corps (110).


                   Deuxième  point:  Laissant  de  côté  la  question  des  doctrines,  abordons  de  façon  plus
                   empirique et plus sensible celle des manières d’être et de faire. Je me contenterai, plutôt

                   que d’arguments, de quelques d’exemples en guise d’illustration de l’idée que les pratiques
                   corporelles ont constamment (bien que diversement) tenu une place en philosophie. La

                   marche: les pythagoriciens pratiquaient les promenades solitaires le matin, accompagnées
                   en  soirée  (confère  Vie  de  Pythagore  de  Jamblique  ou  Porphyre)  comme  exercice

                   philosophique recommandé, de même que les aristotéliciens surnommés péripatéticiens
                   en  raison  des  leçons  faites  en  marchant,  Montaigne  déambulant  longuement  dans  sa

                   «librairie»  en  méditant,  ou  encore Kant, dont  on dit  qu’il  n’a renoncé à sa  promenade
                   quotidienne qu’à deux reprises dans sa vie. Inversement, la méditation assise comme celle,

                   célèbre, de Socrate, abandonnant soudain ses compagnons pour se retirer sous le porche
                   des voisins ou quelque autre lieu «c’est son habitude de parfois s’écarter ainsi et de rester

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                   en plan là où d’aventure il se trouve» . On connaît la gymnastique comme propédeutique
                   à la philosophie chez Platon, les ascèses des stoïciens ou celles des cyniques, étreignant les

                   statues  couvertes  de  neige  en  hiver,  se  roulant  sur  le  sable  brûlant  en  été  et  vivant
                   conformément à la nature, les régimes alimentaires des pythagoriciens, végétariens, des

                   épicuriens attachés à une grande frugalité pour l’éducation du désir, des philosophes en

                   général,  ces  médecins  de  l’âme  si  proches  des  médecins  du  corps  et  de  leurs
                   recommandations.




                   4  Ibid., 83a.

                   5  Ibid., 67d.

                   6  Platon, Le Banquet, trad. par Robin, L., Moreau, M., J., Paris: Gallimard, 1992.

                   7  Ibid., p. 175.



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