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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                          «Nous avons des réunions, des conversations interminables où nous pensons que
                          nous allons proposer telle ou telle chose et où Silvia explique qu'elle a proposé telle

                          idée et finalement qu'elle a changé pour telle autre. Si on va à la répétition comme
                          ça, on va sans aucun doute, arriver à un résultat plus intéressant que si on y allait avec
                          un plan rigide, en tentant de maintenir ce que nous voulions travailler» (Bruno).

                   Il a fallu, pour l'un et l'autre, une forte détermination et la volonté de s'investir à long

                   terme, afin de ne pas céder aux facilités qui mènent seulement à des procédés plus fermés
                   et achevés. «Le plus facile, ce serait d'arriver avec une histoire et de dire 'Toi tu joues tel

                   rôle, toi celui-ci et toi celui-là' Et voilà. Ce qui est plus difficile prend plus de temps et c'est
                   pour  ça  que  ce  processus  doit  être  long».  Cette  observation  de  Bruno  se  réfère  à  la

                   construction  des  personnages  pour  la  scène  du  Canapé  Jaune où  justement  les  jeunes
                   artistes jouent des rôles tout en discutant philosophie. Selon lui, cette scène s'est faite «Du

                   dedans  vers  le  dehors»  et  non  «Du  dehors  vers  le  dedans»,  comme  cela  se  passe
                   habituellement à partir de personnages déjà existants qu´il suffit de mimer. Au lieu de

                   vouloir ressembler à un autre, les interprètes sont entrés dans un processus de devenir-
                   autre, notamment à partir de caractéristiques propres que les artistes ont appréhendées et

                   qui,  ensuite,  ont  été  exagérées.  «C'est  venu  de  quelque  chose  de  vrai,  d'eux,  en  tant
                   qu'enfant. Il faut du temps aux adultes pour saisir cela. Nous explorons et exagérons des

                   choses qui leur appartiennent». Ces descriptions illustrent le même procédé créatif lié au
                   «devenir», décrit ci-dessus, utilisé pendant les répétitions, afin de saisir ce qui, chez chaque

                   enfant, est singulier, pour ensuite le transposer sur le plan de la composition artistique. Par
                   exemple, dans le cas du personnage de Laura, sa voix se rapproche de celle que son père

                   a prise un jour pour lui faire une plaisanterie. Quant à celui de Miguel, sa manière de parler
                   est liée au ton pondéré et calme avec lequel sa famille a coutume de s'exprimer. Le ton de

                   voix du personnage construit par Nuno vient d'une discussion qu'il a eu avec Vicente, un
                   autre interprète, lors d'un trajet en voiture où l'artiste était présente, etc. Dans tous les

                   cas, il a été question de saisir d'infimes détails, presque imperceptibles, liés au ton ou au

                   rythme  de  la  voix,  venus  des  enfants  eux-mêmes,  pour  les  exploiter  ensuite
                   artistiquement.  Pour  qu'un  tel  procédé  puisse  faire  surgir  toutes  ces  singularités des
                   enfants, il a fallu trouver une sorte de temps indéterminé, un temps distinct du temps

                   chronologique.


                   Pour  contourner  les  difficultés  liées  à  l´imprévisibilité  de  l'enfant,  l´improvisation  fut

                   également mise en pratique. Selon Silvia, l'improvisation «débloque le 'fais comme je fais'




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