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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   voient, les sons qu’ils entendent. Les spectateurs s’y rendent semblables aux danseurs et
                   à leurs mouvements, ils font de la danse et de ses formes d’expression une partie de leur

                   propre  corps  et  de  leur  imaginaire.  Cette  mimésis  de  la  danse,  accomplie  par  les
                   spectateurs, engendre un effet en retour sur les danseurs qui ressentent la manière dont

                   ils  agissent  sur  les  spectateurs.  Si,  dans  ces  processus  mimétiques  entre  danseurs  et
                   spectateurs,  on parvient à  faire  circuler  les  émotions,  on crée  alors des  sentiments  de

                   communion, d’émoi esthétique et de bonheur. En se rendant mimétiquement semblables
                   à l’événement de la danse, les spectateurs saisissent le mouvement et l’expression de la

                   danse et agrandissent ce faisant leur propre monde de mouvement par des formes et des

                   représentations nouvelles. Danseur ou spectateur, chacun est ainsi rendu unique par son
                   expérience biographique singulière du mouvement et de la danse. C’est pourquoi chaque
                   danse engendre un effet unique en chacun des danseurs et en chacun des spectateurs, les

                   uns  et  les  autres  ne  pouvant  saisir  cet  effet  unique  que  du  fait  de  processus  et  de

                   résonances mimétiques.

                   Ce que nous venons de dire de la danse et des processus mimétiques qu’elle engage nous
                   amène  à  préciser  notre  compréhension  de  la  mimésis.  Premièrement,  les  processus

                   mimétiques jouent un rôle important dans l’esthétique; toutefois il ne s’agit pas de réduire
                   l’une à l’autre; la mimésis est d’abord un concept anthropologique mais doté d’une forte

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                   composante  esthétique,  comme  le  montre  l’usage  de  ce  concept  dès  l’antiquité .
                   Deuxièmement, il ne faut pas comprendre la mimésis comme une simple imitation dans le

                   sens d’une production de copies; la mimésis désigne, au contraire, une capacité créatrice
                   apte à faire surgir du nouveau, de l’inédit. Troisièmement, l’origine du concept de mimésis

                   et son contexte premier d’emploi réfèrent au rôle des processus mimétiques dans la mise
                   en  scène  de  pratiques  culturelles  et  dans  la  culture  du  performatif.  Clarifions  ces

                   considérations.











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                     Wulf, C., Anthropologie de l’homme mondialisé, Paris: CNRS, 2013; Wulf, C., Une anthropologie
                   historique et culturelle. Rituels, mimésis sociale et performativité, Paris: Téraèdre / L’Harmattan, 2007;
                   Gebauer, G., & Wulf, C., Jeux, rituels, gestes. Les fondements mimétiques de l’action sociale, Paris:
                   Anthropos, 2004; Gebauer, G., & Wulf, C., Mimésis. Culture, art, société, Paris: Édition du Cerf, 2005.



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