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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846



                   Du corps au jeu

                              e
                   Dès  le XVIII siècle,  Rousseau  soutenait  cette  idée  du  jeu  pour  l’éducation  de la petite
                   enfance. L’une des principales caractéristiques du jeu est le plaisir que l’enfant y éprouve.
                   Le jeu constitue pour lui le moyen par excellence d’explorer le monde, de le comprendre,

                   de l’imaginer, de le modifier et de le maîtriser. Le jeu est l’outil principal par lequel l’enfant
                   se développe. Depuis, plusieurs disciplines scientifiques s’intéressent au jeu en observant

                   les enfants, mais aussi les animaux, pour en saisir le fondement neurologique.

                   Cependant,  malgré  la  grande  diversité  des  phénomènes  de  jeu,  nous  n’avons  pas  une
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                   grande richesse conceptuelle pour penser le jeu . Pour les philosophes qui s’intéressent
                   au jeu d’un point de vue conceptuel, cela ne va pas de soi. La plupart des discussions sur le
                                                                109
                                                                                    110
                   jeu s’appuient sur les travaux de Johan Huizinga  et de Roger Caillois . Chez ce dernier,
                   le jeu est une activité improductive, tandis que chez Huizinga, le jeu se présente comme

                   une  activité  qui  se déroule hors  du champ de la  vie ordinaire. Même si  le jeu  absorbe
                   entièrement le joueur dans son activité, le jeu n’est pas considéré comme quelque chose

                   de sérieux. Il ressort de ces travaux que le jeu est une activité qui trouve sa fin en elle-
                   même. Le jeu est une activité autotélique qui s’oppose aux activités instrumentales. On

                   joue pour le plaisir de jouer, sans autre attente, sinon pour se divertir. Ce que Kant dit du
                   jugement  esthétique  s’applique  très  bien  au  jeu:  une  finalité  sans  fin,  c’est-à-dire  une

                   finalité qui ne répond pas à un idéal de perfection.

                   Nous pouvons constater que la justification du jeu s’appuie sur deux registres opposés. Ou
                   bien  la  raison  d’être  du  jeu  se  trouve  en  lui-même  ou  bien  à  l’extérieur  du  jeu.  Nous

                   montrerons que pour sortir de ce conflit de valeur, il est favorable de penser différemment.
                   Nous voudrions montrer que si le développement moteur et cognitif est nécessaire pour

                   le bien-être de la personne, il n’en demeure pas moins que cela est nettement insuffisant

                   pour  former  des  citoyens.  Nous  voudrions  montrer  que  cette  idée  du  développement
                   moteur et cognitif, si elle n’est pas amenée à un niveau réflexif, ne peut que produire des
                   excès  de  tout  genre,  voire  même  des  problèmes  de  santé  et  de  mal-être.  Si  de  tels





                   108  Feezell, R., A., «Pluralist Conception of Play», Journal of the Philosophy of Sport, 37(2), 2010, pp.
                   147-165.

                   109  Huizinga, J., Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris: Gallimard, 1951.

                   110  Caillois, R., Les jeux et les hommes, Paris: Gallimard, 1967.



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