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Amechanon, Vol. I / 2016-2018, ISSN: 2459-2846
la rationalité axiologique, entre le «pouvoir» de la connaissance liée à l’analyse empirique
des causes et la «sagesse» liée aux questions de sens.
Pour Galilée, lorsqu’il s’agit de connaître la nature, il faut enlever à celle-ci ses qualités
sensibles et se défaire des expériences sensibles que nous en avons, car les qualités
sensibles ne constituent qu’une apparence. Elles n’existent que dans notre subjectivité.
Ces qualités sensibles ne nous procurent donc aucune connaissance universelle, c’est-à-
dire scientifique. Ce sont plutôt les mathématiques qui permettront d’accéder à une
connaissance objective. Au monde flou et changeant des apparences, Galilée oppose un
monde exact et entièrement déterminé. Galilée considère la nature comme un assemblage
de corps matériels séparés et fermés sur eux; ce qui provoque une désubstantialisation de
la nature. S’installe alors un clivage entre la nature et l’homme, ce que Descartes
conceptualisera à l’aide de la distinction entre res cogitans et res extensa. Le corps, comme
les animaux et donc la nature, n’est plus une substance, mais une fonction, une machine
dont nous pouvons changer les parties lorsqu’il y a un bris mécanique. Si, dans l’Antiquité
grecque, la nature représentait une source d’inspiration pour régler sa conduite, au Moyen-
Âge, il n’y avait rien de bon en elle et avec l’essor de la modernité, la nature obtient le statut
de quelque chose de neutre dans la mesure où elle ne porte en elle plus aucune valeur. Ce
faisant, il est permis d’évacuer toute réflexion éthique sur le rapport de l’homme sur la
nature.
Heidegger et le corps
Même si Heidegger a peu réfléchi sur le corps, il y a suffisamment d’éléments dans sa
pensée pour en faire une extrapolation. Selon Heidegger, pour Descartes, le corps est
éprouvé comme un objet à partir du moment où l’homme se pose comme un sujet. On
assiste à l’instauration d’un rapport d’opposition, d’un rapport extérieur. «Tous les
phénomènes doivent être déterminés d’avance […] pour seulement pouvoir arriver à être
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représentés comme phénomènes naturels» . Autrement dit, l’étant ne se donne que dans
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une représentation. Il est amené devant l’homme en qualité d’objet . «Penser signifie
115 Heidegger, M., «L’Époque des conceptions du monde», dans: Heidegger, M., Chemins qui ne
mènent nulle part, Paris: Gallimard, 1962, p. 104.
116 Ibid., p. 118.
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